Takushipanu : redécouvrir le territoire autochtone

L’installation Takushipanu offre une magnifique occasion de plonger dans l’histoire et la culture des peuples autochtones. Elle se décline en trois volets : la projection vidéo de cartes géographiques anciennes sur la façade de la Grande Bibliothèque, l’exposition de cartes anciennes dans le hall de l’édifice, et la mise en valeur d’un poème de l’autrice innue Maya Cousineau Mollen.

En concevant de telles installations, BAnQ contribue à préserver la mémoire collective et à favoriser une meilleure compréhension des histoires qui ont façonné la province. Cet article expose comment Frédéric, médiateur au Square, a soutenu par son travail de graphisme les spécialistes des collections de BAnQ pour l’élaboration de cette exposition remarquable. 


Comprendre le contexte historique et culturel

Pour apprécier pleinement un objet culturel, comme une carte géographique, il est essentiel de comprendre le contexte historique et culturel dans lequel il a été créé. Les cartes anciennes révèlent souvent les perspectives et les connaissances géographiques des explorateurs et des cartographes. Elles reflètent aussi les interactions complexes entre les peuples autochtones et les colons européens de l’époque.  

Le choix des cartes pour l’installation a été fait par nos collègues de la Bibliothèque nationale. Elles sont présentées sans modifications, le but étant de conserver l’authenticité et la lisibilité des toponymes autochtones ainsi que des ornements cartographiques. Toutefois, un travail de nettoyage numérique a été réalisé pour améliorer la lisibilité des cartes.

Qu’est-ce qu’un toponyme autochtone?

Un toponyme (du grec tópos, « lieu », et ónoma, « nom ») autochtone est le nom donné à un lieu par les peuples autochtones – Premières Nations, Inuits et Métis – pour désigner des éléments topographiques comme des rivières, des montagnes ou des territoires particuliers.

Les toponymes autochtones peuvent fournir des informations précieuses sur la relation qu’entretient une communauté autochtone avec son territoire, son environnement et son histoire. Ces noms peuvent refléter des récits, des légendes, des connaissances traditionnelles, des activités économiques, des itinéraires de voyage ou encore des caractéristiques naturelles et culturelles importantes pour les Autochtones. 

Au fil du temps, de nombreux toponymes autochtones ont été remplacés ou anglicisés par les explorateurs européens et les colons. Récemment, on constate qu’une attention particulière est portée à la préservation et à la réintroduction des toponymes autochtones sur les cartes. Les initiatives visant la réconciliation cherchent à redonner leur place aux toponymes autochtones, en les intégrant dans les cartes officielles et en reconnaissant leur importance dans la préservation de la culture et de l’identité autochtones. Ces actions ont également pour but de promouvoir le respect et la valorisation de la diversité culturelle, qui enrichit le patrimoine géographique et historique du Québec. 

À quoi servent les illustrations sur les cartes?

Les dessins sur certaines cartes anciennes, en particulier celles produites entre le XVIe et le XIXe siècle, sont appelés « cartouches » ou « ornements cartographiques ». Ce sont des éléments décoratifs. Ils sont généralement situés dans les coins en marge de la carte et le long des bordures.

Les cartouches peuvent prendre différentes formes et présenter différents styles en fonction de l’époque et du contexte culturel de leur création. Ainsi, les cartes peuvent être richement illustrées de motifs floraux, de figures mythologiques, d’animaux, de personnages historiques ou encore d’éléments liés à la navigation, tels que des bateaux, des ancres et des boussoles. 

En plus de leur aspect décoratif, les cartouches peuvent fournir des informations importantes sur le cartographe, la date de réalisation et le commanditaire. Ils servaient également à rendre les cartes plus attrayantes pour les collectionneurs et les amateurs de cartographie de l’époque. 

Aujourd’hui, les cartouches sur les cartes anciennes sont appréciés non seulement pour leur beauté artistique, mais aussi pour leur valeur historique. Ce sont des témoins du style et de la culture de leur époque.


La conception graphique

Pour l’installation Takushipanu, nous voulions éviter de distraire les personnes qui observeraient les cartes. Nous avons donc opté pour une conception graphique simple et épurée. Cette conception minimaliste nous a permis de mettre l’accent sur les éléments essentiels : les cartes et leur contenu historique.

Afin d’améliorer la lisibilité des cartes exposées dans le hall de la Grande Bibliothèque, un travail de nettoyage et d’uniformisation des couleurs a été réalisé. Nous avons cherché à respecter la couleur originale du papier. Comme le hall est très lumineux et que la réflexion du soleil peut rendre la lecture difficile, il a été nécessaire d’utiliser des couleurs très contrastantes.  

Il était aussi important pour nous de respecter l’histoire des peuples autochtones. Les symboles, les motifs et les couleurs utilisés devaient être appropriés afin d’éviter toute forme de stéréotype ou d’appropriation culturelle. Pour éviter ces écueils, le choix des couleurs et des illustrations a été pensé de façon à faire écho au poème de Maya Cousineau Mollen. 


La projection vidéo

Une vidéo a aussi été projetée sur la façade de la Grande Bibliothèque, en collaboration avec le Quartier des spectacles. Le but de cette projection était d’illustrer les toponymes autochtones d’une manière plus dynamique.

Notre travail de projection vidéo a fait face à quelques limitations techniques. La lumière ambiante, la couleur de la surface de projection et le type de média ont grandement influencé les choix esthétiques. Pour optimiser la projection, nous avons suivi quelques principes :

  • Éviter les mouvements trop rapides, qui peuvent être difficiles à suivre pour le public. Opter pour des mouvements fluides et lents afin de créer un effet apaisant ou majestueux. 

  • Veiller à créer un bon contraste entre les parties claires et sombres de la vidéo. Cela permet d'accentuer les détails et de créer une image plus nette. Dans les environnements trop éclairés, les projections tendent à perdre en luminosité. Il faut donc faire les ajustements nécessaires. 

  • Utiliser des couleurs vives et saturées pour rendre les images plus frappantes et dynamiques. Elles sont souvent plus attrayantes pour les projections sur grande surface.

  • Éviter de surcharger la vidéo. Les images claires et les formes simples sont plus faciles à reconnaître sur une grande surface. 

Par ailleurs, la façade de la Grande Bibliothèque a une teinte plutôt verte, ce qui influence grandement les couleurs projetées. Nous avons donc décidé de projeter les cartes en noir et blanc et d’inverser les couleurs, pour mettre l’accent sur les toponymes et les illustrations. 

Nous avons aussi misé sur un mouvement d’animation très lent : étant donné que la surface de projection était très grande, un mouvement trop rapide rendait difficile la lecture des toponymes.  


Si les cartes et les autres documents d’archives vous intéressent, n’hésitez pas à explorer les collections numérisées sur BAnQ numérique. Lisez également l’article « Nommer et cartographier le territoire autochtone » de Jean-François Palomino, cartothécaire-coordonnateur à la Bibliothèque nationale. Bonne lecture!

Frédéric Lemelin

Artiste en art numérique, Frédéric touche un peu à tout se qui est du domaine de la fabrication et du domaine des arts médiatiques. Frédéric développe l’offre numérique et grand publique.

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