Le Square

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Estimer le budget nécessaire

Le budget nécessaire à l’implantation d’un laboratoire de création varie grandement d’un projet à l’autre. Le type d’équipements, le nombre de salariés et la nécessité ou non d’aménager des locaux sont quelques-uns des facteurs qui ont une influence considérable. Les dépenses relatives aux locaux, par exemple, seront beaucoup plus importantes si la bibliothèque en construit de nouveaux que si elle convertit simplement des espaces existants. Ce chapitre n’offre donc pas de grilles budgétaires préétablies, mais présente plutôt les éléments fondamentaux à prendre en considération dans l’évaluation et la rédaction des budgets.


Les grandes catégories de dépenses

Les dépenses d’immobilisation

La construction d’un local

C’est évidemment une dépense importante pour toute bibliothèque qui ne possède pas déjà un espace adéquat.

L’aménagement d’un local existant

Si on décide d’aménager un local existant, les coûts seront évidemment proportionnels à l’importance des travaux requis. Selon les fonctionnalités et les équipements envisagés, et selon l’état initial des lieux, cet aménagement peut aller d’un simple ajout de casiers de rangement à une reconfiguration complète : réfection du système de ventilation, ajout de prises de courant, installation d’une grille technique, division de l’espace, etc.

Afin d’obtenir une évaluation juste des coûts, il est recommandé d’établir une liste des aménagements ou des fonctionnalités souhaités, classés par ordre de priorité (essentiel, important ou accessoire), et de la faire parvenir au service responsable des immeubles de l’institution. Celui-ci devrait alors être en mesure de tracer différents scénarios d’aménagement en fonction de la faisabilité et des coûts. 

Les équipements

L’achat d’équipements constitue une autre dépense importante qui varie en fonction du type de laboratoire mis en place. Selon les besoins des usagers, celui-ci peut être constitué simplement d’ordinateurs et d’un ensemble de logiciels spécialisés (généralement dans le secteur du multimédia) ou d’une variété de machines-outils dont certaines peuvent parfois être coûteuses.

 Une bibliothèque désireuse de développer un laboratoire de type Fab Lab pourra consulter les lignes directrices de la Fab Foundation[1], qui recommande l’achat d’équipements et de matériaux pour un total allant de 40 000 $ US à 105 000 $ US. Il revient cependant à chaque établissement de déterminer dans quelle mesure ces recommandations cadrent avec les besoins de ses usagers et avec les fonctionnalités désirées.

 Le chapitre 9 du présent guide étudie cette question plus en détail. 

Le mobilier

En plus de l’équipement spécialisé, il ne faut pas négliger le coût du mobilier, qui joue un rôle important dans la flexibilité des lieux et le confort des usagers. Il est possible que des éléments de mobilier soient déjà disponibles dans le parc mobilier de l’institution; mais avant de décider de les utiliser, on s’assurera qu’ils sont bien adaptés à la mission du laboratoire et qu’ils sont assez polyvalents. 

Les dépenses récurrentes 

Les ressources humaines

Le salaire des ressources humaines consacrées au développement et au fonctionnement du laboratoire est une dépense à considérer, même si ces tâches sont intégrées aux responsabilités des employés déjà en place. Dans ce dernier cas, il importe d’évaluer correctement le temps qui sera consacré à ces nouvelles tâches : quel en sera l’impact sur les autres fonctions de la bibliothèque? 

Il faut par ailleurs garder à l’esprit que les types de fonctionnalités prévus influeront de manière significative sur l’importance des ressources humaines requises ainsi que sur l’intensité de l’accompagnement des usagers. Plus les fonctionnalités sont complexes ou les équipements spécialisés, plus l’accompagnement sera intense. 

Bien sûr, le budget consacré aux ressources humaines sera très différent dans un laboratoire offrant de l’accompagnement individuel et dans un autre qui mise sur une autonomie presque complète des usagers. À ce sujet, il faut noter qu’un objectif d’autonomie complète ou quasi complète est assez difficile, si ce n’est impossible, à atteindre : les laboratoires qui fonctionnent bien offrent presque toujours un accompagnement personnalisé et suffisant. 

Les heures d’ouverture du laboratoire, le nombre d’employés ainsi que le niveau du poste et la nature des interventions jouent également sur la hauteur du budget requis. Le chapitre 7 offre plus de détails sur la question des ressources humaines. 

Les réparations et la maintenance

Certains équipements commandent un entretien minutieux, si l’on veut minimiser les risques de bris. Mais même avec les meilleurs soins, les réparations sont inévitables, notamment parce que l’usage des équipements dans un contexte de laboratoire est souvent plus soutenu que celui normalement prévu par le fabricant. 

Il ne faut donc pas oublier d’inclure dans les prévisions budgétaires le coût des réparations (pièces, etc.), qu’elles soient réalisées par des experts (fabricant, fournisseur, etc.) ou par le personnel du laboratoire. À noter également : plus l’équipement est spécialisé, plus il est probable que certaines interventions ne puissent être faites par les employés du laboratoire. 

Les mises à jour

Le laboratoire doit offrir l’accès à des technologies qui répondent aux demandes et aux besoins changeants des usagers. Cela requiert de mettre à jour les équipements et l’offre logicielle du laboratoire lorsque nécessaire, et implique parfois de changer ou d’acquérir des équipements – sans qu’il soit essentiel de toujours posséder le modèle le plus récent, évidemment. 

Plusieurs de ces équipements sont déjà bien implantés et ont fait l’objet de nombreuses heures d’expérimentation; le développement de nouvelles fonctions « incontournables » n’est donc pas aussi fréquent qu’on pourrait le craindre. Il faut user de circonspection dans l’évaluation de ces nouvelles fonctions soi-disant indispensables et ne pas hésiter à interroger des collègues à ce sujet. 

Le renouvellement des licences logicielles

L’usage de plusieurs logiciels exige de faire l’achat et le renouvellement annuel des licences. L’utilisation de logiciels gratuits, qui sont souvent parfaitement adaptés aux besoins, peut cependant réduire les coûts de façon considérable. Un autre avantage de l’utilisation de logiciels libres est qu’ils permettent à l’usager de reproduire à la maison les travaux réalisés au laboratoire et de poursuivre son apprentissage, sans avoir à dépenser beaucoup. 

Il ne s’agit cependant pas d’une panacée; le choix de l’infrastructure logicielle doit être fait avant tout en fonction d’un environnement de travail efficace et des besoins réels des usagers. Souvent, une combinaison de logiciels libres et de logiciels propriétaires est appropriée. 

Les matériaux et consommables

Plusieurs machines consomment des matériaux qu’il faut inclure dans les dépenses récurrentes. Certains laboratoires demandent aux usagers d’apporter leurs propres matériaux, alors que d’autres les fournissent gratuitement ou les vendent sur place. 

Par exemple, plusieurs laboratoires de création imposent une tarification au gramme pour les filaments utilisés lors des impressions 3D. D’autres privilégient un fonctionnement à deux vitesses, où les filaments sont offerts gratuitement dans le cadre des démarches pédagogiques et en deçà d’un certain nombre de grammes par semaine (2 x 10 grammes par semaine, par exemple), et sont tarifés dans les autres cas. Mais peu importe le modèle préconisé, il restera toujours des coûts en consommables et en matériaux, ne serait-ce que pour l’entretien des machines (colle, vis, boulons[2], etc.). 

Attention, ici : il peut être tentant de laisser la possibilité aux usagers d’apporter leurs propres matériaux, mais une telle stratégie n’est pas sans risque, car il peut être difficile d’identifier la nature exacte des matériaux. Une composition autre que celle qui est recommandée ou prescrite peut parfois causer des problèmes importants, tels qu’un bris de l’appareil, voire l’émission de vapeurs toxiques. 

La promotion et la communication

Une part plus ou moins importante du budget peut être consacrée à la promotion des activités, que ce soit par la création et le maintien d’un portail Internet ou la mise en place d’une campagne de promotion (design graphique, production de dépliants ou d’affiches, etc.). 

Les plateformes collaboratives, en mode logiciel libre, peuvent réduire les coûts d’implantation de façon significative : il est donc on ne peut plus pertinent d’envisager cette option. À titre d’exemple, on peut citer la coquille de la plateforme collaborative du Square Banque Nationale[3]. La gratuité de la coquille n’élimine cependant pas la nécessité pour l’institution d’en développer certains aspects, par exemple la signature graphique. 

Les spécialistes invités

Il est recommandé de prévoir des sommes pour la rémunération des spécialistes invités à offrir des ateliers ou à donner des conférences. 

Les concours

Les concours permettent de promouvoir le laboratoire tout en stimulant l’activité des usagers. Si une telle avenue est privilégiée, on doit inclure les prix offerts aux gagnants dans la planification budgétaire. 

La formation du personnel

La formation nécessite l’embauche ponctuelle de spécialistes externes ou des visites dans différents milieux spécialisés, qui peuvent engendrer des coûts. 

Les assurances

Cet élément est capital, dans la mesure où les employés et les usagers ont à manipuler des appareils qui comportent parfois certains risques[4]. Il importe donc de vérifier si les assurances de l’institution couvrent bien ce genre de risques. Dans le cas contraire, les frais d’assurance supplémentaires représentent une dépense à ne pas négliger. 

Le loyer

Si la bibliothèque n’est pas propriétaire des locaux utilisés, le loyer constitue une dépense importante. 

L’électricité, le chauffage et la climatisation, Internet et l’entretien

Toutes les dépenses liées au bâtiment doivent être considérées, notamment l’électricité, le chauffage et la climatisation, l’accès Internet et l’entretien ménager. Elles sont souvent prises en charge par l’institution plutôt que d’être incluses dans le budget du laboratoire lui-même. 

Il faut noter que certains équipements de type Fab Lab consomment beaucoup d’électricité et demandent une ventilation adéquate, même lorsqu’aucune ventilation dédiée n’est requise. Les fonctionnalités de type médialab exigent, de leur côté, une connexion Internet particulièrement rapide et fiable. 

Puisque l’équipe institutionnelle affectée à l’entretien des locaux n’assure normalement pas l’entretien ou le nettoyage des équipements spécialisés, on doit également prévoir des sommes pour acquérir le matériel requis (produits nettoyants, lingettes, etc.). 

Les revenus auxiliaires

Des sources de revenus peuvent être nécessaires pour assurer le fonctionnement du laboratoire, ou pour permettre d’aller au-delà de l’offre de base. 

Certains laboratoires ont ainsi mis en place une tarification applicable aux formations spécialisées, comme celles destinées aux entreprises en démarrage. D’autres imposent des frais sur les consommables (filaments pour l’impression 3D, feuilles de vinyle, etc.) ou développent des modèles hybrides : par exemple, une activité est gratuite, mais les usagers peuvent avoir à payer les matériaux utilisés. 

Ces revenus représentent cependant des sommes marginales qui ne couvrent souvent que les frais des activités elles-mêmes. Selon l’étendue des budgets internes, l’examen d’autres avenues de financement peut donc s’avérer fort pertinent. 

Les commanditaires

Des entreprises privées locales peuvent être intéressées à appuyer financièrement le développement du laboratoire : aménagement, achat d’équipements, mise en place de concours ou d’un budget pour des activités de médiation, etc. 

Les subventions

Certains projets gouvernementaux peuvent financer l’implantation d’un laboratoire de création. Une revue des options existantes est donc essentielle, tant en amont qu’une fois le laboratoire en opération, puisqu’elles pourraient aider à mettre en place d’autres fonctionnalités. 

Des exemples de démarches d’évaluation des dépenses 

Les paramètres qui influencent la taille des postes budgétaires sont trop nombreux pour nous permettre de présenter des budgets détaillés. Il est cependant possible de proposer un ou deux scénarios quant à la démarche d’évaluation des dépenses. 

Scénario 1 : Développement du laboratoire à partir de locaux préexistants (aménagements minimaux) 

  1. On commence par déterminer la « mission » du laboratoire (besoins des usagers et axe de spécialisation projeté).

  2. Les dimensions des locaux disponibles vont sans doute dicter ou du moins circonscrire la quantité et la taille des « équipements » qu’il est physiquement envisageable d’acquérir pour répondre à la mission du laboratoire.

  3. Le choix des équipements permettra de déterminer la nature des « aménagements » requis.

  4. Selon les équipements et l’aménagement, on pourra dégager la nature, les dimensions et l’importance du « mobilier » à acquérir.

  5. La conjugaison de la superficie des lieux, du type d’équipements et de leur complexité, ainsi que de la mission du laboratoire permettra de juger de la quantité et du type de « ressources humaines » requises pour assurer le bon fonctionnement des activités (entretien, paramétrage, formation, médiation, promotion, gestion, développement, etc.). 

Scénario 2 : Développement du laboratoire à partir d’une enveloppe budgétaire 

  1. On commence par déterminer la « mission » du laboratoire (besoins des usagers et axe de spécialisation projeté).

  2. On établit les fonctionnalités requises par la mission ainsi que les « équipements » correspondants, tout en s’assurant que le budget prévu permette l’embauche d’un chargé de projet et l’aménagement de l’espace. Cette hypothèse suppose l’existence d’un budget de ressources humaines récurrent.

  3. On évalue les « ressources humaines » requises selon les fonctionnalités, les équipements projetés et la mission.

  4. On choisit, aménage et meuble les « locaux » selon les fonctionnalités, l’équipement et les ressources humaines planifiés.


 Notes

  1. Fab Foundation, « Setting up a Fablab », Fab Foundation, www.fabfoundation.org/index.php/setting-up-a-fab-lab/index.html (consulté le 20 juillet 2017).

  2. Les vis et les boulons sont utilisés dans le cadre d’activités de robotique ou d’électronique.

  3. À noter que la fonction de paramétrage des d’échanges entre institutions détentrices de la plateforme est en cours de développement.

  4. Voir les fiches des équipements de type Fab Lab sous l'onglet Répertoires des équipements.