Évaluation des espaces requis
Le manque d’espace est souvent invoqué comme obstacle à l’implantation d’un laboratoire de création. Si une vaste superficie offre effectivement une grande liberté dans le choix des fonctionnalités offertes, il faut garder à l’esprit qu’il est tout à fait possible d’implanter un laboratoire de création dans un espace retreint. Certains choisissent même de n’affecter des locaux (une salle de réunion, par exemple) à un tel usage que pendant des plages horaires précises.
Le processus de conception ne sera évidemment pas le même si on adapte un lieu existant ou si on doit construire un nouvel espace. Mais dans tous les cas, il demeure que les besoins des usagers, les objectifs recherchés par la bibliothèque et les moyens à sa disposition détermineront les fonctionnalités qui peuvent ou non être offertes.
La conception et l’aménagement du laboratoire peuvent même constituer une occasion privilégiée de repenser plus largement la disposition des lieux et les fonctionnalités dans l’ensemble de la bibliothèque. À titre d’exemple, la mise en place du Square Banque Nationale, dans l’axe sud du niveau 1 de la Grande Bibliothèque, a permis de repenser l’espace et de relocaliser les bandes dessinées dans l’axe nord, où elles sont dorénavant plus en évidence, ce qui a entraîné une augmentation de la consultation.
Le principe fondamental qui doit guider la réflexion est celui de l’adaptabilité. Les installations d’un laboratoire doivent suivre de près les avancées technologiques, et il est évidemment difficile de prévoir, parfois même à court terme, la nature de cette évolution, et donc les espaces requis. Qui aurait pu penser, il y a à peine cinq ans, que les imprimantes 3D feraient une telle percée dans les bibliothèques? Il est ainsi essentiel que le lieu soit pensé en fonction d’une évolution potentielle des usages et des pratiques (selon le mode du bêta perpétuel[1]). Il est également recommandé de prioriser des espaces flexibles où il est facile de passer d’un type d’activité à un autre. Cette polyvalence permet de multiplier les usages du laboratoire et de contrer d’éventuelles limites spatiales[2].
Une diversité de fonctionnalités dans un même lieu
Le tableau suivant présente différentes fonctionnalités qui peuvent être envisagées. Cette liste n’est cependant pas exhaustive. À noter qu’il n’est pas nécessaire de couvrir toutes les fonctionnalités pour répondre adéquatement aux besoins des usagers, et que certaines fonctionnalités peuvent occuper un même espace, simultanément ou en alternance[3].
Pour certaines fonctionnalités, dont l’enregistrement audio et vidéo, il est fortement recommandé de trouver des solutions créatives au manque d’espace plutôt que d’opter pour un espace trop restreint qui réduirait les possibilités d’utilisation et entraînerait des frustrations. La polyvalence et le partage des espaces sont à favoriser.
Par exemple, au Square Banque Nationale de BAnQ, on a installé un écran vert déroulable et un système d’éclairage au plafond, le long de la grille technique. Les usagers circulent normalement à cet endroit qui peut, au besoin, se convertir en plateau de tournage. Quand des usagers veulent tourner une vidéo, l’écran vert est déroulé et l’éclairage est activé. Les autres usagers doivent alors simplement contourner l’espace de tournage. Ce compromis n’est évidemment pas idéal puisqu’il ne permet pas d’insonoriser les lieux. Cependant, il est tout de même possible d’obtenir un niveau de bruit moins élevé par l’autorégulation des usagers.
Des ateliers de toutes les tailles : quelques exemples
Il est difficile de se projeter dans l’espace et d’imaginer comment peuvent y cohabiter différentes fonctionnalités. Cette étape est cependant fondamentale puisque la cohésion et la fluidité de l’offre en dépendent. Dans son Guide des laboratoires de fabrication dans les bibliothèques publiques[4], la Division du programme RAC de la Direction des bibliothèques de la Ville de Montréal s’est attelée à cette tâche complexe en colligeant de nombreuses informations afin de créer le tableau synthétique qui suit.
Voici également les caractéristiques physiques générales de trois laboratoires de création québécois, en date de juin 2017 :
Un laboratoire de création sans local permanent
Certains choisissent de ne déployer que de temps à autre leur laboratoire de création, dans des lieux normalement réservés à d’autres usages (salle de réunion, salle de conférence, etc.). Une telle stratégie impose certaines conditions :
De l’équipement entièrement portatif;
Un espace d’entreposage adéquat;
Des étuis et des protections pour tous les appareils fragiles.
Quelques institutions, dont la bibliothèque publique de Toronto, misent également sur des laboratoires mobiles permettant d’offrir des ateliers dans les différentes bibliothèques de leur réseau. Cette stratégie a l’avantage de combler les besoins des établissements qui n’ont pas les ressources ou la superficie requises[8], ou dont l’intérêt de la clientèle ne justifie pas une installation permanente : la tenue d’activités ponctuelles à l’aide d’une « trousse techno mobile » peut alors s’avérer une offre parfaitement adaptée aux besoins. La trousse techno n’est cependant pas autosuffisante; elle ne connaîtra pas un grand succès si aucun accompagnement des usagers n’est planifié. Il faut donc se demander si un formateur – un médiateur compétent, qui peut être un employé de la bibliothèque ou un consultant invité – accompagnera l’équipement dans ses déplacements. Il faut aussi voir qui prendra en charge le transport et l’installation du matériel.
Si chaque bibliothèque qui accueille la trousse gère elle-même la structure de médiation qui l’entoure, il est important de mettre en place un système d’identification et de repérage des différentes pièces contenues dans la trousse, afin d’assurer le transfert intégral d’un établissement à l’autre. À cette fin, il est crucial de développer des procédures d’installation qui soient simples à communiquer ainsi que des protocoles d’utilisation et de présentation des technologies à l’intention d’animateurs non spécialistes.
Notes
Voir la section Centré usagers
Pour plus de détails sur les questions de polyvalence, de flexibilité et d’adaptabilité, voir Comité d’idéation du projet Saint-Sulpice, BAnQ Saint-Sulpice — Un projet de bibliothèque-laboratoire — Rapport final du Comité d’idéation du projet Saint-Sulpice, op. cit., p. 21-24.
Des fiches techniques de plusieurs de ces fonctionnalités se trouvent sous l’onglet Autres documents, dans Benjamin Bond, Médialab BAnQ — Composantes du volet physique du Médialab, op. cit. La description des fonctionnalités y est de nature purement conceptuelle et a servi à alimenter la réflexion de BAnQ; l’aménagement du Square Banque Nationale ne regroupe donc pas l’ensemble de ces fonctionnalités, celles-ci étant des options présentées au regard de l’espace disponible.
Ville de Montréal, Guide des laboratoires de fabrication dans les bibliothèques publiques, op. cit.
Ville de Sainte-Julie, « Médialab », Ville de Sainte-Julie, www.ville.sainte-julie.qc.ca/fr/338/Medialab (consulté le 20 juillet 2017).
Bibliothèque de Brossard, « Fab Lab Brossard – À propos », Bibliothèque de Brossard, biblio.brossard.ca/fablab/a_propos/ (consulté le 20 juillet 2017).
Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), « Médialab », Bibliothèque et Archives nationales du Québec, www.banq.qc.ca/services/services_professionnels/milieux_doc/ressources/medialab/ (consulté le 20 juillet 2017).
Toronto Public Library, « Pop-Up Learning Labs », Toronto Public Library, www.torontopubliclibrary.ca/using-the-library/computer-services/innovation-spaces/pop-up-learning-labs.jsp (consulté le 20 juillet 2017).