Médiation et accompagnement
Quel que soit le type de laboratoire, la conception des activités de médiation et d’accompagnement constitue une occasion privilégiée de mettre en valeur les compétences des employés et de déterminer avec précision la meilleure façon de combiner le potentiel des équipements en place et les attentes des usagers.
Ces activités, si elles sont adaptées aux besoins, remplissent une fonction à la fois pédagogique et promotionnelle. Elles permettent d’attirer le public au laboratoire, puis de le former à l’usage des équipements disponibles. En retour, les usagers initiés au potentiel technologique du laboratoire pourront donner libre cours à leur créativité dans des projets de plus en plus ambitieux, qui alimenteront eux-mêmes la nature et l’intensité des activités de médiation de même que leur popularité.
L’importance des ressources humaines en soutien à la découverte et à l’apprentissage
Certaines bibliothèques, souvent par manque de ressources, pourraient être tentées de donner accès au laboratoire malgré l’absence de ressources humaines. Il s’agit cependant d’une avenue assez périlleuse à emprunter, surtout dans un contexte de technologie de pointe; il est recommandé qu’un ou plusieurs employés soient toujours présents afin d’accompagner les usagers dans la réalisation de leurs projets et de superviser l’utilisation des équipements. Le ratio recommandé est d’environ 1 employé pour 12 usagers.
La présence d’un médiateur est importante même dans les plages horaires où aucune activité particulière n’est prévue et où les usagers réalisent des projets personnels. Le médiateur intervient alors selon les demandes ou lorsqu’il juge qu’un usager ne comprend pas le fonctionnement d’un outil ou ne l’utilise pas à son plein potentiel.
Le personnel peut aider les usagers à aller plus loin dans leurs projets, ou encore les initier à un processus créatif dont ils ignoraient peut-être l’existence ou dont ils avaient une connaissance incorrecte. En ce sens, les ressources humaines constituent le cœur du laboratoire, puisqu’elles établissent un lien entre les usagers et les éléments technologiques et stimulent ainsi la communauté grandissante du laboratoire.
Outre l’accompagnement quotidien des projets, la médiation s’articule surtout autour des ateliers de formation ou d’initiation-exploration qui sont offerts à des groupes, qu’il s’agisse de la population générale ou d’une catégorie précise (les établissements d’enseignement, par exemple). Ces ateliers sont axés sur le développement d’habiletés et la découverte d’outils de création, allant du numérique à l’électronique en passant par certaines pratiques plus traditionnelles.
Il est généralement recommandé que l’animation de ces ateliers soit assurée par le personnel présent sur place plutôt que par des consultants. Cet élément est important : non seulement les employés sont ceux qui maîtrisent le mieux la théorie en lien avec les équipements et les lieux, mais l’expérience enseigne que les participants souhaitent très souvent poursuivre leurs projets, qu’ils soient ou non de longue haleine, en compagnie de l’intervenant avec lequel ils ont commencé le processus.
Le maintien d’un environnement d’apprentissage et d’expérimentation familier et sécurisant participe ainsi à une appropriation organique des lieux et de ses ressources, qu’elles soient de nature technologique ou humaine.
Le point d’appui de la programmation est constitué d’activités qui permettent aux participants de développer leurs habiletés au regard des ressources et des équipements de création technologiques offerts sur place, selon différents niveaux de complexité : débutant, intermédiaire et avancé. Il s’agit habituellement d’activités où chacun décide du produit final qu’il veut obtenir, car l’accent est mis avant tout sur le développement de connaissances et d’habiletés. Il faut éviter que les balises du projet soient trop précises : cela pourrait altérer la fluidité de l’apprentissage. Des activités de création plus avancées peuvent évidemment être offertes dans un second temps, mais seulement lorsque les habiletés de base sont bien maîtrisées.
Cette mise en garde peut sembler anodine, mais elle revêt au contraire une importance considérable : ne pas respecter cette notion d’apprentissage progressif peut non seulement entacher le caractère ludique de l’activité, mais également réduire la capacité du participant à intégrer de nouvelles notions et habiletés théoriques et pratiques. Pour se donner une idée, on peut imaginer une activité de trois heures orientée vers la réalisation d’un enregistrement audio : si, dans la première moitié, on montre les rudiments de l’alphabet et du solfège afin d’enseigner à écrire des paroles et à composer de la musique; et que la deuxième partie est consacrée à la présentation de tous les éléments technologiques et à la réalisation d’un projet personnel; une fois arrivé à la portion « enregistrement », qui devrait être le cœur de l’activité, on risque de se retrouver avec un public essoufflé ou qui a tout simplement abandonné, découragé par l’ampleur des apprentissages! Bref, il faut connaître les limites de son public et lui offrir un apprentissage et un accompagnement placés sous le signe du plaisir, ainsi qu’un processus de découverte qui soit progressif, parfois presque intuitif.
Il faut également garder en tête que le but de l’activité n’est pas de réaliser un objet tangible ou numérique parfait. Contrairement à la conception qu’on se fait habituellement de l’évaluation d’un apprentissage, la réussite ne consiste pas ici à obtenir un A+, mais bien à avoir expérimenté et réalisé des apprentissages. Le produit obtenu peut bien être tout à fait raté : c’est le propre d’un processus où la pierre d’assise est le droit à l’erreur.
Aucune pression n’est donc exercée sur le participant, qui pourrait se tromper tout au long de l’activité, mais apprendra au gré de ses erreurs et de l’accompagnement. Cette absence de résultat obligatoire permet de dissiper le stress souvent inhérent à l’enseignement traditionnel et favorise les tâtonnements, puisque l’erreur est attendue et même encouragée.
Bref, l’important ce n’est pas la destination, mais bien le voyage.
L’importance des projets centrés sur les intérêts de l’usager
Le choix des activités de médiation doit évidemment se faire en fonction des intérêts des usagers. Après tout, si les ateliers prévus n’attirent personne, ils n’ont pour ainsi dire aucune utilité. Il faut donc demeurer à l’écoute, puisque les intérêts peuvent parfois évoluer dans le temps, et offrir les activités désirées. Ces intérêts peuvent s’avérer surprenants et imprévisibles, et il est donc important de pouvoir adapter la programmation rapidement aux nouvelles tendances. La créativité est aussi de mise : on pourra, par exemple, jumeler une thématique populaire avec un outil sous-utilisé de manière à en illustrer le potentiel.
La notion de bêta perpétuel prend tout son sens dans un contexte où les activités doivent être mises à jour de façon continue, de manière à rencontrer ou à stimuler les attentes et à assurer une fréquentation active et renouvelée du laboratoire.
Il est parfois nécessaire d’adapter la programmation pour attirer un groupe précis de la population qui est sous-représenté. On constate notamment que les filles sont souvent moins présentes que les garçons dans les laboratoires consacrés aux adolescents, malgré la tendance inverse en bibliothèque. On pourrait donc prendre des mesures ou créer des activités de façon à s’assurer que tous se sentent bienvenus au laboratoire ou qu’on rencontre bien les intérêts d’un groupe particulier.
Les grandes catégories d’activités de médiation
Le choix et la combinaison des activités de médiation dépendent des publics visés, des ressources disponibles et de la mission générale du laboratoire.
Séance ouverte avec accompagnement
Accès libre aux équipements du laboratoire. Supervision offerte par le personnel et soutien selon les besoins des usagers. Accompagnement personnalisé et spontané.
Atelier animé par un employé
Atelier prévu dans une plage horaire précise, portant sur un sujet sélectionné et annoncé à l’avance, et offert par un employé du laboratoire.
Exemple : atelier de conception et d’impression 3D de figurines.
Conférence ou atelier animé par un invité
Séance spéciale offerte par un spécialiste externe.
Exemple : monteur professionnel qui présente les fonctionnalités d’un logiciel de montage vidéo et d’effets spéciaux.
Activité de groupe offerte sur réservation
Offre d’ateliers préétablie parmi laquelle des groupes (scolaires, par exemple) peuvent faire un choix, avant d’effectuer une réservation.
Exemple : choix de quatre ateliers, d’une durée de trois heures, pour 20 à 30 personnes.
Production audio
Incrustation vidéo (écran vert)
Modélisation et impression 3D
Robotique et électronique
Formation récurrente
Formation récurrente portant sur l’utilisation des équipements, selon un calendrier préétabli et constant, afin que les usagers obtiennent une certification et puissent ensuite utiliser les appareils de façon autonome.
Exemple : formation portant sur l’utilisation des imprimantes 3D, offerte tous les samedis à 13 heures.
Concours
Concours articulé autour d’une thématique (comme l’anniversaire de fondation de la ville), d’une discipline particulière (la modélisation 3D, par exemple), ou au choix. Il est à noter que, dans un mode « au choix », la présence d’un thème est recommandée afin de faciliter l’évaluation des projets soumis.
Semaine thématique
Semaine mettant à l’honneur une discipline ou un sujet auquel sont rattachées plusieurs activités spéciales.
Exemple : semaine cinéma où sont offerts des ateliers de tournage le mardi et le mercredi, un atelier de montage le jeudi, un atelier d’effets spéciaux le vendredi, puis une séance de projection le samedi.
Par ailleurs, il est recommandé de développer la programmation du laboratoire en collaboration avec différents secteurs ou instances de la bibliothèque.
Activité liée à la programmation de la bibliothèque
Joindre les activités du laboratoire à celles proposées par la bibliothèque en tant que telle permet de créer une synergie et un sentiment d’appartenance. Il est important que tous comprennent et soutiennent le laboratoire, et il faut donc éviter de développer un silo « nouvelles technologies » séparé du reste de l’institution. Cette collaboration a aussi comme avantage d’attirer au laboratoire des usagers de la bibliothèque qui ne le connaissaient pas ou qui sont intimidés par les nouvelles technologies.
Exemple : atelier où les participants sont appelés à effectuer une recherche dans le catalogue pour ensuite tenter de trouver le document souhaité à l’aide de sa cote. Une fois le document en main, les participants en recréent la couverture à l’aide d’un logiciel et terminent l’activité en gravant leur dessin au laser sur une plaque de bois.
Parallèlement, il peut être intéressant d’offrir l’aide du laboratoire aux autres secteurs de la bibliothèque dans la réalisation de leurs projets respectifs.
Exemple : offrir du soutien technique dans la production d’une capsule vidéo promotionnelle.
Activité intégrée à un événement spécial
Le laboratoire peut également profiter de la visibilité qu’engendre l’organisation d’activités dans le cadre d’événements externes, comme un festival. On doit généralement entreprendre la planification longtemps à l’avance, en collaboration avec les autres services de la bibliothèque, afin de dégager les ressources nécessaires, d’établir les contacts entre les différentes entités et de coordonner les opérations.
Exemple : conférence d’un illustrateur de bande dessinée pendant le Festival de la BD.
Quelques exemples d’activités
Les sources d’inspiration
Il ne faut pas hésiter à vous inspirer de la programmation d’autres laboratoires pour développer la vôtre. Il n’est pas nécessaire de réinventer la roue, et les ateliers ayant déjà fait leurs preuves ailleurs peuvent très bien fonctionner à votre laboratoire aussi, quitte à ce que vous les adaptiez après les avoir testés.
Plusieurs laboratoires donnent accès à leur programmation en ligne. C’est le cas notamment du Square Banque Nationale de BAnQ[1]. Une autre bonne idée est de contacter directement un autre laboratoire afin de s’informer des activités offertes, du succès obtenu et des défis rencontrés.
On trouve sur plusieurs plateformes des fiches de projets ou d’activités intéressantes. L’onglet Activités permet d’accéder à bon nombre de ces fiches, dont il est possible de s’inspirer ou qu’on peut utiliser pour reproduire les activités telles quelles.
Notes
« Activités du Square », Bibliothèque et Archives nationales du Québec, www.banq.qc.ca/activites/medialab/ (consulté le 20 juillet 2017).