Mise en place d’un studio d’enregistrement vidéo
(Cette annexe est basée sur le document rédigé par Luce Roy pour BAnQ en 2015.)
On entend par studio d’enregistrement vidéo un lieu réservé à la prise de vue, sous toutes ses formes (vidéo, photo), laquelle peut être accompagnée d’une prise de son (contenu audiovisuel avec son direct). Le studio permet de contrôler les éléments clés de la fabrication de l’image (en général : le cadre, la lumière et les effets spéciaux).
La mise en place d’un studio d’enregistrement vidéo nécessite d’abord l’installation d’un fond (ou écran) particulier. Différents types de fonds existent, chacun supposant une utilisation particulière de l’espace. Ainsi, les écrans blanc ou noir sont utilisés comme fonds décoratifs, tandis que les écrans vert ou bleu font office d’outils d’incrustation (c’est-à-dire l’effacement du fond pour le remplacer par un arrière-plan numérique).
1. Studio avec fond blanc
Comme le blanc est la couleur la plus réfléchissante, un fond blanc nécessite un éclairage plus faible. Il permet de créer un éclairage plus diffus sur le sujet. On l’utilise souvent en photographie.
2. Studio avec fond noir
Tout comme le fond blanc, le fond noir est souvent utilisé en photographie, mais il peut nécessiter un éclairage plus important. Le choix entre le blanc et le noir est une question de préférence : l’un et l’autre ne présentent ni avantages ni inconvénients particuliers.
3. Studio avec fond d’incrustation vert ou bleu
En filmant devant un fond d’incrustation, on peut effacer le fond de couleur lors du traitement de la vidéo. Cela permet d’ajouter un fond de son choix, image ou vidéo, en arrière-plan du sujet. On utilise le bleu et le vert, car ce sont les deux couleurs les plus éloignées de la pigmentation naturelle de la peau. L’écran vert est plus d’usage plus fréquent en studio, car il nécessite un éclairage moins important que le bleu pour bien se détacher des sujets (voir infra pour de plus amples informations).
Quel écran choisir?
Tout est fonction de l’usage que l’on fera du studio; il est même possible d’y combiner différentes possibilités. Cela nécessite cependant de bien identifier ses besoins, et ce, très tôt dans la conception du projet, afin de pouvoir sélectionner la meilleure option.
La taille du studio
Les possibilités du studio varient selon l’espace qui lui est alloué, et elles auront un impact sur la division des espaces de travail de même que sur la nature et la qualité des zones d’éclairage. Le studio se découpe en différents espaces aux fonctions précises :
La scène est l’espace où les sujets exécutent les actions qui sont filmées. On peut aussi simplement y disposer les objets à filmer ou à animer.
Les zones d’éclairage délimitent l’espace où sont disposées les sources lumineuses. La zone principale est située au plafond et elle est constituée d’une grille technique, qui est la structure supportant l’équipement d’éclairage disposé en hauteur. Située au niveau du sol, la zone secondaire comprend l’équipement d’éclairage monté sur trépied.
La hauteur du plafond est un facteur d’importance puisqu’elle balise l’éclairage qu’il sera possible d’y disposer. À noter qu’il est très difficile d’obtenir de bons résultats avec des sources lumineuses trop basses. On conseille une hauteur de plafond d’un minimum de 3 mètres (9 pieds).
La régie délimite l’espace où se trouvent la console d’éclairage, la caméra, le moniteur de retour d’image, etc., de même que tout le personnel technique ou de réalisation qui participe au projet vidéo.
Dans le cas d’un petit studio, l’espace est généralement divisé à parts égales entre la scène et la régie. Lorsque la taille du studio augmente, le pourcentage d’espace consacré à la régie diminue fortement pour laisser une plus grande part à la scène.
Le cadrage : avec ou sans les pieds
Avant de concevoir le studio, il est fondamental de déterminer si l’on souhaite cadrer les sujets à filmer de la tête aux pieds ou si, au contraire, les pieds seront exclus des choix de cadres.
Dans l’exemple ci-dessous, le plan moyen correspond à l’option à considérer ou à exclure.
Si l’on souhaite garder la possibilité d’un cadre moyen, il faut considérer deux aspects : la mise en place d’un cyclo afin de créer un fond perdu, ainsi que l’installation d’un éclairage adapté. Le cyclo est un fond qui est arrondi au niveau du sol et qui donne un rendu optique « infini ». On l’utilise souvent avec les écrans d’incrustation verts ou bleus.
Il faut garder en tête que, si le studio offre la possibilité de filmer le sujet en plan moyen, le sol de la zone de tournage devient une surface à protéger et à entretenir. En effet, quelle que soit la couleur du studio, il faut absolument éviter que le sol montre des traces de pas, surtout lorsqu’on utilise des fonds d’incrustation (verts ou bleus).
On peut remplacer le cyclo et le fond peint par une toile de vinyle verte (qui existe aussi en d’autres couleurs) couvrant le mur et le sol. Ce système est plutôt utilisé en photographie, car il restreint l’espace disponible pour la prise de vue, les rouleaux de toile étant plus étroits. En vidéo, ce système permet de filmer une seule personne en mouvement, ou encore deux personnes statiques. Ce choix s’avère une option économique tout à fait adéquate pour un petit studio.
Éclairage
La qualité d’un studio se définit beaucoup par son éclairage. On entend par éclairage la quantité et la qualité des différentes sources lumineuses. Il existe deux types de sources lumineuses : les incandescentes et les DEL. En matière de sécurité des utilisateurs, il faut noter que les sources incandescentes génèrent énormément de chaleur et peuvent donc causer des blessures, tandis que les sources DEL n’en génèrent pratiquement pas. Mais les premières sont beaucoup moins coûteuses que les secondes.
Pour le travail d’incrustation, la qualité de l’éclairage est primordiale : on doit minimiser les ombres sur le fond d’incrustation et s’assurer que la couleur du fond se détache bien du sujet, afin de faciliter son effacement en postproduction.
Afin que la lumière soit adéquate et permette un travail de qualité sur les images en postproduction, il faut considérer l’éclairage du fond et celui du sujet.
Le fond doit être éclairé de manière uniforme, mais non surexposé, et il sera légèrement sous-exposé par rapport au sujet. Les sources lumineuses doivent générer un éclairage diffus autant sur le mur que sur le sol, si on a gardé la possibilité du plan moyen.
Le sujet peut être éclairé de différentes façons, mais certains facteurs doivent nécessairement être pris en considération. Les fonds de couleur pouvant causer des reflets colorés sur le sujet, il est conseillé de placer des sources lumineuses en contre-jour, c’est-à-dire face à la caméra mais derrière le sujet. L’utilisation de telles sources lumineuses avec une gélatine (filtre de couleur) jaune ou orange permet de prévenir les reflets indésirables. Les ombres découpées sur le fond sont également problématiques, car elles créent un contraste et gênent le processus d’incrustation. Pour les éviter ou à tout le moins les atténuer, on peut éclairer davantage le fond, augmenter la distance entre le sujet et le fond, ou encore recadrer simplement les images en postproduction pour supprimer les zones trop ombragées.
L’image montrée un peu plus haut est un exemple parmi d’autres de disposition des sources d’éclairage : ce studio compte neuf sources lumineuses, ce qui permet aussi bien d’assurer la réussite de l’incrustation que de rendre l’éclairage plus « dramatique ». Mais il est évidemment possible de travailler avec moins de sources lumineuses. Par exemple, un sujet unique filmé de la tête à la taille dans une position relativement statique peut être éclairé avec trois ou quatre sources lumineuses seulement. La qualité de l’éclairage demeure cependant fondamentale pour éviter les nombreuses heures de correction en postproduction.
De manière générale, il est important de disposer de sources puissantes afin d’optimiser le rendement de la caméra et donc la qualité des images, ce qui permet également d’obtenir des incrustations de bonne qualité.
Il va de soi qu’il faut limiter au maximum la lumière en provenance de l’extérieur (fenêtre ou porte vitrée). Il est également essentiel de peindre les murs du studio en noir et de choisir un revêtement de sol noir ou gris foncé afin d’éviter les reflets indésirables.
Pourquoi les différentes couleurs de fond
En postproduction, le fond vert ou bleu peut être éliminé puis remplacé par un autre fond (réaliste, virtuel en 3D, etc.) au choix du vidéaste, par le procédé d’incrustation (chroma key).
Les vidéastes préfèrent souvent l’écran vert à l’écran bleu, puisque la luminosité du vert fait en sorte que la couleur est plus distincte et facile à couper à l’étape de la postproduction. Les écrans verts produisent également moins de « bruit » ou de taches autour du sujet.
L’écran bleu fonctionne mieux pour les couleurs claires, comme les cheveux blonds, car il y a alors plus de contrastes entre les deux. La couleur bleue permet également d’éviter les « déversements », la contamination de l’arrière-plan vers les sujets, qui peut donner à la peau une couleur maladive. L’écran bleu est également privilégié lorsque le sujet au premier plan est très près du fond.
L’écran bleu est rarement utilisé lors de tournages extérieurs, car il se fond dans la couleur du ciel. De plus, il nécessite un éclairage plus important ; il est donc souvent plus économique d’avoir recours au fond vert. Toutefois, comme le fond bleu est moins brillant et donc moins réfléchissant, il a l’avantage de nécessiter moins de retouches, car on n’a pas à retirer les reflets colorés indésirables qu’on retrouve parfois sur le sujet.
Les écrans verts ou bleus permettent également d’incruster les sujets filmés dans une autre image pour générer certains effets : faire interagir les sujets filmés avec des éléments animés, créer des changements d’échelle, démultiplier un personnage, créer des effets d’apparition et de disparition, etc.
Pour leur part, le fond noir et le fond blanc sont des choix esthétiques répandus, qui mettent de l’avant le sujet filmé et le situent dans un univers neutre. Le fond blanc se transforme en différents tons de gris selon l’éclairage. Les deux sont très utilisés dans la conception de vidéoclips musicaux, notamment.
L'enregistrement sonore
Bien que l’objectif principal d’un studio d’enregistrement vidéo ne soit pas de permettre l’enregistrement sonore, il demeure qu’il est bien souvent nécessaire d’y réaliser une prise de son pour accompagner l’enregistrement vidéo (entrevue, présentation orale, scène de fiction, etc.).
Pour optimiser la qualité de l’enregistrement sonore, il faut privilégier un espace qui a subi un traitement acoustique d’isolation et d’absorption. Les sons qui perturbent les tournages proviennent généralement de la circulation automobile, des gens dans les pièces adjacentes, des installations sanitaires, de la circulation humaine (escalier ou ascenseur, par exemple) ou d’infrastructures telles que le système de ventilation.
Selon la qualité sonore désirée, il est également possible d’isoler partiellement ou complètement le studio sur le plan acoustique. Pour ce faire, on conseille de poser de la moquette au sol, voire aux murs, et de mettre en place des plaques d’isolant phonique dans les coins de la pièce afin d’atténuer le phénomène de réverbération.
Que peut-on faire d'autre dans un studio?
Outre l’enregistrement vidéo, le studio permet la tenue d’autres types d’activités, comme la prise de vue photographique de personnes ou d’objets ou encore l’animation image par image.
Les sources lumineuses du studio d’enregistrement vidéo conviennent très bien pour la photo. Même si les caractéristiques ne sont pas les mêmes que pour le travail avec flash, il est tout à fait possible d’y réaliser des prises de vue de grande qualité.
L’animation image par image (stop motion) se décline en plusieurs sous-catégories (animation de papiers découpés, animation de figurines, pixellisation) qui toutes se réalisent en studio. En effet, afin de créer l’illusion du mouvement, il est impératif que les sources lumineuses demeurent stables et constantes, ce qui n’est pas le cas dans un lieu exposé à la lumière naturelle extérieure.
Exemples
Exemples de dimensions d’un studio
Un studio d’incrustation d’environ 40 m2 (130 pi2) permet de filmer une personne en mouvement ou deux personnes statiques des pieds à la tête.
Les dimensions idéales d’un studio (toutes zones confondues : scène, régie et zone d’éclairage) sont de 5 x 8 m (54 x 86 pi). Cette superficie permet de filmer les sujets sur quatre fonds différents : vert pour l’incrustation, noir, blanc et une autre couleur au choix si nécessaire.
Éclairage
Exemples d’équipements requis [1]
Fond
Support mural électrique pour rouleaux de toile de vinyle
3 rouleaux de toile de vinyle (vert, noir, blanc) de 2,7 x 6 m (9 x 20 pi)
Éclairage
Grille technique : système de tubes à installer au plafond (3 principaux en abscisse, 3 secondaires en ordonnée) pouvant supporter une charge totale de 250 kg (incluant les tubes)
Tubes entre 35 et 50 mm, épaisseur du métal de 2 mm
9 crochets pour tubes, avec élingues
3 panneaux DEL de 1000 lumens(contre-jour)
4 panneaux de type Kino Flo 4 tubes (fond et douche sujet)
2 panneaux avec lentilles fresnel DEL de DEL 1000 lumens
Blocs de puissance à 8 + 4 entrées
Console d’éclairage DMX à 12 entrées
2 bras magiques
2 trépieds de 6 pi
Câblage
Prise de vue
Caméra de prise de vue haute définition
Appareil photo pour animation image par image (stop motion)
Trépied
Moniteur de contrôle
Câbles d’alimentation pour caméra, sortie caméra, sortie autre source, sortie chroma keyer
Enregistrement sonore
Jeu de deux micros-cravates
Microphone directionnel
Perche et suspension
Câbles XLR
Enregistreur numérique et/ou interface audio avec système d’enregistrement (ordinateur)
Équipement supplémentaire pour l’animation image par image
Table d’animation (avec assise parfaite, donc de préférence lourde)
Jeu de mini-trépieds (pour téléphone cellulaire ou petite caméra)
Mini-cyclos pour création de fonds (arrière-plan)
Pâte à modeler
Cartons de couleur ou vierges à imprimer pour l’animation de papiers découpés (animation de type South Park)
Fil de pêche
Logiciels
Pour l’incrustation, le montage, la retouche photo et la création vectorielle, Adobe propose une suite de logiciels professionnels très performante : After Effects, Premiere, Photoshop et Illustrator.
Il existe cependant d’autres possibilités pour tous les budgets, notamment parmi les logiciels libres tels OpenShot et MonkeyJam.
Pour l’animation image par image, le logiciel Dragonframe est un incontournable.
Notes
L’analyse et les équipements mentionnés relèvent d’un exercice réalisé en 2015.