Portrait : Mathilde Forest
Mathilde Forest, artiste visuelle de Montréal, explore les transformations du territoire à travers la photographie, l'art numérique et l'art imprimé. Son travail aborde les questions liées à l'architecture et à l'environnement, en mettant l'accent sur l'éphémère et l'effacement. Elle collabore fréquemment avec Mathieu Gagnon au sein du duo Gagnon-Forest. Ses œuvres récentes ont été exposées à Montréal, Québec, New York, Bâle, Shanghai et Kyoto.
Elle expérimente en utilisant des techniques issues de disciplines telles que la géologie, la géographie, l’hydrologie ainsi que la modélisation 3D et la photogrammétrie. Son travail encourage une réflexion sur les concepts de disparition et de conservation du territoire. Il explore les relations entre l’humain et son environnement. Ses recherches se déroulent souvent dans des lieux en redéfinition, où l'archivage de l'état actuel est crucial.
Pour sa dernière exposition intitulée Peser la cité, l’artiste a innové en utilisant la découpe laser pour produire les pièces présentées. Ce processus créatif a eu lieu au Square, notre laboratoire de création numérique. En intégrant la découpe laser dans sa pratique artistique, Forest démontre son engagement envers l'expérimentation et l'exploration de nouvelles technologies. L'utilisation du Fab lab offre à l'artiste un espace propice à la fusion entre la créativité artistique et les possibilités offertes par les technologies émergentes. Le résultat est une exposition qui repousse les frontières de l'expression artistique.
Mathilde Forest
Mon projet
Dans le cadre d’une résidence de création au Centre d’artistes Agrégat de Longueuil, j’ai pu passer plusieurs semaines d’expérimentation au Square entre septembre et décembre 2023. Mes recherches se sont principalement concentrées sur l’utilisation de la graveuse laser sur du papier de coton.
Dans cette série intitulée Peser la cité, les gravures évoquent le concept urbanistique de « l’emprise au sol » c’est-à-dire la surface occupée au sol par la structure et, par extension, la surface où l’ensemble du poids du bâti pèse sur le sol. J’ai tenté de réfléchir métaphoriquement à cette problématique, en reproduisant avec la gravure laser les empreintes et cicatrices laissées au sol par le bâti.
La série aborde les répercussions du développement urbain sur les milieux de vie en s'intéressant à la charge des bâtiments et des infrastructures dans le secteur attenant au métro Longueuil – Université de Sherbrooke, au cœur d’un vaste projet immobilier du Groupe Devimco, un lieu en pleine mutation. Les images sélectionnées ont été construites à partir de fragments d’images aériennes et de cartes de la zone sélectionnée.
De plus, afin de construire la base théorique du projet, j’ai consulté de nombreux plans de construction et cartes géologiques de la zone d’intérêt. J’ai aussi collaboré avec un ingénieur civil spécialisé dans ces questions.
Le travail avec la graveuse laser a été central dans ce projet puisque l’idée de base était de représenter le seuil avant que le sol ne s’affaisse à cause du poids des structures. Pour représenter cette fragilité, j’ai joué avec de multiples passes de gravure pour illustrer le point de rupture, le seuil, de la fibre de papier.
Dans le futur, j’aimerais continuer l’expérimentation de gravures sur carton sans acide afin de recréer une boîte lumineuse avec le motif des infrastructures et des bâtiments qui pourrait laisser passer la lumière. Il y aurait aussi des expérimentations à faire concernant les diverses couches de papier superposées où chacune des couches donne à voir une portion de l’image.
Mon expérience au laboratoire
Travailler au Square a été pour moi une opportunité précieuse d’allier l’expérimentation technique et la réflexion théorique autour de la problématique. Le fait de me trouver dans un lieu où l’expérimentation est le mot d’ordre m’a permis de me laisser porter dans les essais-erreurs et de tenter diverses expérimentations matérielles. C’est aussi un contexte de travail parfait pour les artistes émergents. Il permet de recevoir un encadrement technique tout en laissant beaucoup de place à la liberté et à l’expérimentation. Le fait d’avoir accès gratuitement à des outils d’une très grande valeur est aussi très important lorsqu’un artiste entame sa carrière.
La collaboration avec l’équipe a été déterminante dans mon projet. J’ai pu recevoir une formation technique sur la graveuse laser, ce qui m’a permis de devenir autonome. J’ai eu des conversations précieuses tant avec les médiateurs qu’avec les autres usagers. Voir l’ensemble des projets en cours est certainement une source inspirante pour mes projets futurs.
L’exposition Peser la cité est présentée au Centre d’artistes Agrégat jusqu’au 30 mars 2024.